uand Léon Breitling naît, en 1860, l’image d’Epinal des légendaires «paysans horlogers», qui occupent leurs mois d’hiver en fabriquant des boîtiers, des couronnes et des échappements, est encore d’actualité dans un secteur très décentralisé. L’industrialisation de l’horlogerie suisse, à laquelle il participera largement, en est à un stade embryonnaire.

Publicité de 1910 pour le premier chronographe monopoussoir introduit par Breitling

Bercé par la tradition locale, le jeune Léon développé très jeune sa vision, fondant dès 1884 son enseigne «Léon Breitling, Fabricant», au sein de laquelle il se concentre sur le chronographe, qu’il considère comme la montre-outil par excellence.

La Duograph de Breitling diffusée dans Europa Star en 1944

©Archives Europa Star

Ses premiers modèles sont des chronomètres de précision taillés pour la compétition. Son but était déjà de fabriquer des instruments utiles, fonctionnels et fiables. Son engagement était tel que son premier logo s’articulait autour d’une roue à colonnes avec ses initiales en son centre. La chronométrie jouait déjà un rôle essentiel dans l’ADN de Breitling.

Logo originel Léon Breitling avec l’emblématique roue à colonnes de chronographe

Dès le début des années 1900, alors que la publicité se développe, Breitling met en avant ses «chronographes et compteurs, enregistrant 10, 30 et 60 minutes», figurant son chronographe à rattrapante. Pour l’anecdote, en 1907, une Breitling devient l’outil privilégié de la police suisse pour mesurer les excès de vitesse grâce à son chronographe à échelle tachymétrique. Une vraie montre-outil!

Très tôt, Breitling mise sur son sens du marketing! Ici une annonce parue en 1948 dans Europa Star.

©Archives Europa Star

Breitling a construit sa réputation sur sa maîtrise absolue du chronographe - ici un article dans Europa Star en 1953.

©Archives Europa Star

En 1915, c’est l’invention du bouton poussoir indépendant qui fait à nouveau parler de la marque. Puis ce sont les années de Willy Breitling, petit-fils de Léon, qui à l’âge de 20 an succède à son père Gaston à la tête de l’entreprise, qu’il dirigera de 1933 à 1979. Il est à l’origine des modèles iconiques de la marque: Chronomat en 1942, Premier en 1943, Navitimer en 1952 et Superocean en 1957, qui ont sorti le chronographe du seul statut de montre-outil pour le rendre plus désirable.

Trois des modèles les plus emblématiques de la marque: la Navitimer, la Chronomat et la Superocean (archive Europa Star datant de 1963)

©Archives Europa Star

Numéro un parmi les employeurs suisses

Il est loin le temps du petit atelier de Saint-Imier qui a vu naître les premières montres de poche signées par Léon Breitling. Cependant, son esprit est encore bien présent - «innovant, visionnaire et humain»: son buste trône fièrement pour accueillir les visiteurs à l’entrée de la manufacture Breitling Chronométrie, au coeur de La Chaux-de-Fonds. Plus de 300 personnes y travaillent aujourd’hui, auxquelles il faut ajouter près de 200 personnes au siège de Granges ainsi que 80 personnes à Zurich dédiées au marketing et à l’administration.

Entrée de Breitling Chronométrie à La Chaux-de-Fonds, inaugurée en 2001

Breitling a bien grandi et il semblerait qu’il fasse bon y travailler, comme tend à le démonter sa quatrième année consécutive de certification parmi les «meilleurs employeurs» de Suisse; l’entreprise est même numéro 1 en 2024.

Pour ses 140 ans, Breitling a ouvert son tout premier musée éphémère, dans le centre de Zurich.

Mais il ne s’agit pas que de croissance en termes de volumes ou de nombre d’employés. Breitling a aussi fortement misé sur le développement de sa chronométrie. En 1999, la marque s’engage à ne produire que des montres certifiées chronomètres par le COSC (Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres). Pour rappel, seules 15% des montres suisses exportées le sont aujourd’hui (chiffres Fédération Horlogère, 2023).

De 3’000 à 85’000 calibres B01

Pour atteindre cet objectif, la marque construit sa propre manufacture, qu’elle inaugure en 2001 avec un premier bâtiment pour le montage des composants. Elle se lance dans le même temps dans la création de son propre mouvement chronographe en interne - fait relativement rare dans l’industrie où le chronographe est souvent un module ajouté. Le désormais célèbre calibre B01 verra le jour en 2009, alors que la manufacture inaugure son deuxième bâtiment. Elle fut l’une des pionnières à fonctionner sans huile dans l’industrie. Ceci contribue à rendre possible de travailler 24h/24H avec une seule équipe de 8 heures.

Ebauche de platine du calibre B01 sur la chaîne de perçage

Les ébauches en laiton arrivent brutes. Elles sont chargées dans des machines dernier cri de transferts modulaires de Fleury SA à Bienne. Près d’une cinquantaine de machines travaillent ainsi en ligne pour le sablage, le microbillage, le tournage puis la découpe des platines. Les contrôles qualité se font au millième de millimètres par des palpeurs automatiques et au binoculaire.

Platine pré-assemblée du calibre B01

Les platines sont ensuite ébavurées à l’eau à très haute pression - plus de 320 bars! Mais la main (et l’oeil) de l’homme - de la femme en l’occurence - reste essentielle. Après le passage en machine, les ébavureuses expertes terminent le travail, au binoculaire, à l’aide de micro-burins pour atteindre le niveau d’excellence recherché pour tous les composants.

Assemblage du régulateur sur la platine du calibre B01

Tout au long de ce travail en ligne, les déchets sont récupérés par aspiration par quatre énormes machines qui récoltent le tout dans de grands bacs… qui sont revendus pour être recyclés. Cela aboutit sur moins de 1% de perte de matière. Quand on réalise qu’en moyenne pour 12,5 kilos de platines brutes, 10 kilos de déchets sont produits, on comprend le bien-fondé de la démarche... tant pour l’économie que pour l’environnement.

Chargement de platines brutes en début de chaîne

Les machines high-tech et l’optimisation du travail permettent de produire une platine complète en moins d’un mois. Il est à noter également la présence de panneaux phoniques au plafond afin d’atténuer le bruit pour le bien-être des employé, dans le cadre de l’optimisation du travail chez Breitling qui lui a valu plusieurs récompenses.

En 2009, la marque produisait 3’000 mouvements B01 sur une seule ligne de production. En 2023, ce sont 85’000 calibres qui ont quitté la manufacture sur les dix lignes actuelles! La manufacture atteint sa pleine capacité et des projets d’extension sont en cours. Breitling a d’ailleurs commencé à fabriquer son propre balancier à cinq branches, qui débute sur la Navitimer et la Chronomat.

Plus de 1’000 étapes de contrôles

Sur les 346 composants nécessaires pour produire un calibre B01, entre 30 et 40 (selon les différentes déclinaisons) sont produits en interne. Mais tous les composants sont soumis au même contrôle, que ce soit à l’entrée d’une ligne ou à sa sortie. Chaque rubis, chaque vis, chaque roue, au même titre que chaque trou de centre, est vérifié. La dureté même des matériaux est contrôlée. Au total, ce sont plus de 1’000 étapes de contrôle qu sont réalisées sur le mouvement et ses composants.

Breitling a aussi célébré ses 140 ans en présentant son premier mouvement chronographe à calendrier perpétuel, notamment sur ce modèle Navitimer B19 Chronograph 43 Perpetual Calendar 140th Anniversary.

Après l’empierrage, les platines passent aux trois lignes d’assemblage dédiées. Un transpondeur RFID est intégré dans chaque support afin d’identifier en temps réel les étapes du montage. Le calibre passe par 38 postes différents, dont 8 entièrement automatisés, pour monter les ponts, les roues, le barillet, l’ancre… Très exactement 1’164 calibres circulent simultanément sur les lignes. Ils y passeront cinq à sept jours.

Ligne de montage et de contrôle

Le contrôle visuel se fait au fur et à mesure. Compte tenu des exigences de la certification COSC, une mesure en six positions est effectuée en fin de ligne. Si les mesures se vérifient 24 heures plus tard, les calibres passent à la pose des cadrans et des aiguilles… avant de partir au COSC passer les ultimes tests.

Avec ses 28 mm, la dernière Chronomat de Breitling est la plus petite jamais conçue.

De retour du COSC, les mouvements manufactures sont habillés et emboîtés manuellement. Les têtes de montres sont gravées au laser avec leur numéro de référence (matière, modèle, calibre) et leur numéro de COSC unique. Trois derniers jours de contrôle sont nécessaires pour valider la réserve de marche, l’étanchéité, les positions des aiguilles, la précision globale…

Pour ses 140 ans, Breitling rend hommage aux icônes de l’aviation et de l’aérospatial avec le lancement de nouveaux modèles: la Navitimer GMT et Automatic 41, et une Cosmonaute à remontage automatique en édition limitée.

Ensuite, direction Granges pour l’habillage T3 avant expédition dans les nouveaux écrins durables, en PET recyclé léger. Les chronographes chronomètres (à ne pas confondre, justement!) vont ainsi rejoindre les poignets des adeptes de la marque. 140 ans après la création de «Léon Breitling, Fabricant», Breitling fabrique encore et toujours...

Le livre «140 Years in 140 Stories» vient d’être publié par Breitling pour son anniversaire.