es défis conjoncturels, voire structurels, se sont abattus avec obstination sur l’industrie horlogère depuis plusieurs mois. Avec pour pic, en plein salon Watches and Wonders, l’annonce de droits de douane drastiques par Donald Trump envers la Suisse (31% contre 20% pour l’Union européenne ou 10% pour le Royaume-Uni), alors que le marché américain a largement soutenu la flambée post-covid de l’horlogerie suisse, compensant la méforme économique du précédent eldorado, chinois celui-là.
Ces taxes ont été suspendues, le temps des négociations. Mais à presque dix ans près jour pour jour, cette annonce choc en a rappelé une autre: juste avant l’ouverture du SIHH (déjà) le 15 janvier 2015, l’abandon du taux plancher du franc suisse par la Banque nationale suisse, un «tsunami» selon l’expression de Nick Hayek. Malgré cette douche froide, la poussée vers la Haute Horlogerie aura porté l’industrie vers des années records en valeur – à défaut de volumes, captés eux entre autres par un autre phénomène, celui de la montre connectée.
Les barrières américaines sont-elles du même acabit que le tsunami monétaire de la décennie passée? Elles arrivent en tout cas au mauvais moment (mais y a-t-il seulement un bon moment pour cela!), dans une période de ralentissement qui voit la chaîne de sous-traitance faire recours aux RHT pour passer ce nouveau cycle dont personne ne peut dire combien de temps il durera.
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- Il y a dix ans exactement, l’abandon du taux plancher du franc suisse par la Banque nationale créait des remous lors du rassemblement annuel de l’horlogerie. Nous lui consacrions alors un dossier spécial dans Europa Star. L’histoire semble se répéter.
- ©Archives Europa Star
Si ces menaces ne restent qu’un outil de négociation, elles permettront peut-être de régler la question des surstocks, endémiques à l’industrie horlogère, sur ce marché-clé. De nombreuses marques ont d’ailleurs envoyé des stocks supplémentaires aux Etats-Unis en prévision de l’entrée en vigueur de nouveaux droits de douane. Et les visiteurs américains se feront peut-être plus nombreux dans les nouveaux hubs horlogers extra-US.
«In fine, me partageait un capitaine d’industrie qui s’intéresse de près à l’horlogerie, le prix serait à la charge des consommateurs américains. Ce sont les seuls qui pourront décider si cette politique sera infléchie ou non, car ce sont eux qui votent. Et personne ne peut dire que Donald Trump n’a pas été clair sur ses intentions dans son programme de campagne.»
Un autre dirigeant, d’une petite marque de Haute Horlogerie, estimait que ses marges n’étaient pas infiniment flexibles, puisque sa stratégie était justement de chercher à offrir, face aux géants du secteur, le maximum de valeur horlogère sur son segment. Il observait également que «certains détaillants ont déjà vu leurs marges considérablement réduites par la négociation ces dernières années, quand d’autres ont encore un peu de marge de manœuvre».
L’industrie suisse étant ultra-dominante, a fortiori dans la Haute Horlogerie, il est à parier que la montée en gamme générale, vers une clientèle dont la sensibilité aux prix est peut-être vue comme moindre, va se poursuivre. Et que les marques qui se battent avant tout sur l’argument de leur prix compétitif seront, elles, sérieusement touchées si l’on entre effectivement dans un cycle de taxations supplémentaires.
Sont-elles encore si nombreuses que cela dans nos belles vallées? Si la tendance ne va pas dans leur sens, plusieurs marques ont tenté ces dernières années d’offrir une horlogerie plus accessible, pour les classes moyennes plutôt que l’élite. Il serait regrettable que leurs valeureux efforts s’en trouvent contrariés. Car les volumes, on s’en rend compte de manière particulièrement aigue en ce moment, sont un pré-requis pour un écosystème horloger sain, du premier composant jusqu’à la vente finale.