Ceux qui innovent


L’«extra mile», version Richard Mille

avril 2025


L'«extra mile», version Richard Mille

Succès sans équivalent dans l’histoire de l’horlogerie contemporaine, la marque Richard Mille pèse déjà plus que l’ensemble des maisons horlogères fondées au 21ème siècle. La jeune marque horlogère, née de la volonté de Richard Mille et de Dominique Guenat en 2001, aurait-elle mis au point une mystérieuse potion magique inconnue de ses concurrents? À l’occasion du lancement de l’étonnante RM 43-01 Tourbillon Chronographe à Rattrapante Ferrari, Europa Star revient sur les multiples singularités d’une marque pas tout à fait comme les autres.

L

a chance sourit aux audacieux, dit-on. Toutefois, il aura fallu bien plus que de la chance à Richard Mille et Dominique Guenat pour se hisser à la sixième place du classement mondial des marques horlogères. Selon le dernier rapport élaboré par LuxeConsult et Morgan Stanley, 5’600 montres Richard Mille ont été produites l’an passé, dans les installations industrielles helvètes des Breuleux, pour un prix moyen de 275’000 CHF. Un positionnement unique dans l’industrie horlogère.

«Nous établissons nos prix à la fin du processus de création, sur la base d’un coût de production», explique Alexandre Mille, Directeur Commercial. Aujourd’hui, de nombreux dirigeants horlogers se posent les mêmes questions: pourquoi Richard Mille est-il devenu un cas d’école, bien au-delà du monde de l’horlogerie? Quel est le secret d’une telle réussite?

Pedigree sport auto

Dès le début, l’histoire de Richard Mille s’est écrite sous le signe de la compétition automobile. Dominique Guenat et Richard Mille la suivent depuis toujours et l’ont même longtemps pratiquée. Pour s’en convaincre, écoutez l’un des rares entretiens récemment accordés par Richard Mille. Avec son premier salaire, il s’offre une Renault Alpine. Depuis, l’adrénaline automobile ne le quitte plus.

Dans le sillage des co-fondateurs Richard Mille et Dominique Guenat, la deuxième génération assure aujourd'hui la continuité de la marque Richard Mille. De gauche à droite: Cécile Guenat, Maxime Guenat, Alexandre Mille et Amanda Mille.
Dans le sillage des co-fondateurs Richard Mille et Dominique Guenat, la deuxième génération assure aujourd’hui la continuité de la marque Richard Mille. De gauche à droite: Cécile Guenat, Maxime Guenat, Alexandre Mille et Amanda Mille.

Mais Richard Mille ne se limite pas au simple sponsoring. En 2002, suite à sa collaboration avec Patrick Peter qui vient de lancer la compétition Le Mans Classic, il repense le logotype de la marque dans son intégralité, pour «accroître sa visibilité sur les circuits». Cette immersion dans le sport automobile dépasse le marketing: elle influence directement l’architecture de ses montres. «J’ai toujours trouvé les ponts des calibres trop rigides, explique Richard Mille. J’ai donc conçu des mouvements suspendus sur des piliers, posés sur une platine» qui agit comme un véritable châssis.

«J’ai toujours trouvé les ponts des calibres trop rigides, explique Richard Mille. J’ai donc conçu des mouvements suspendus sur des piliers, posés sur une platine» qui agit comme un véritable châssis.

Au cœur de cette rattrapante à la conception inédite, la pince en PVD 3N intrigue par son originalité. De concert avec les deux roues à six colonnes, elle autorise la lecture de deux temps intermédiaires.
Au cœur de cette rattrapante à la conception inédite, la pince en PVD 3N intrigue par son originalité. De concert avec les deux roues à six colonnes, elle autorise la lecture de deux temps intermédiaires.

Pour prouver la robustesse de ses créations, la marque voit grand: elle développe un tourbillon capable de résister aux chocs et aux accélérations violentes subis par les pilotes de Formule 1. En 2004, le jeune prodige brésilien chez Ferrari, Felipe Massa, devient partenaire de la marque et accepte de disputer l’ensemble du championnat avec au poignet la RM 006, un Tourbillon manuel pesant à peine 43 grammes. «Nous avons toujours considéré que nos lettres de noblesse devaient se gagner sur le champ de bataille», résume Richard Mille.

Un tel exploit repose sur une quête incessante d’innovation et sur une recherche poussée de nouveaux matériaux.

L'«extra mile», version Richard Mille

Le champion de l’ultra-léger

En compagnie de Ron Dennis, alors aux commandes de l’équipe de Formule 1 McLaren, Richard Mille découvre le graphène, un matériau révolutionnaire, 200 fois plus résistant et six fois plus léger que l’acier. Mis au point en 2004 à Manchester par les prix Nobel de physique André Geim et Konstantin Novoselov, le graphène est intègre pour la première fois en horlogerie dans la RM 50-03 McLaren F1, un tourbillon chronographe rattrapante.

L'«extra mile», version Richard Mille

Loin d’être anecdotique, cette rencontre entre la marque et le graphène déclenche une quête obsessionnelle vers des montres toujours plus ultra-légères. Alors que certaines maisons horlogères centenaires n’ont de cesse de développer des calibres de plus en plus fins, Richard Mille se distingue en explorant une autre voie inédite.

Loin d’être anecdotique, cette rencontre entre la marque et le graphène déclenche une quête obsessionnelle vers des montres toujours plus ultra-légères.

En injectant du graphène parmi les multiples couches de carbone, Richard Mille parvient ainsi à développer des montres d’une résistance et d’une légèreté inégalées dans l’horlogerie contemporaine. Les modèles les plus célèbres sortis des ateliers de recherche de la marque – la série RM 027 – seront testés et portés au cours d’une décennie de compétitions par le champion de tennis Rafael Nadal. Capables de résister à des forces pouvant atteindre 15’000G, les montres affichent un poids inférieur à 20 grammes (bracelet inclus)!

Il y aura toujours Ferrari

Le 20 mars 2025, Maxime Guenat et Alexandre Mille, représentants de la nouvelle génération au sein de la marque familiale, partagent l’une des salles du Palais de Tokyo, privatisée ce jour-là pour le lancement international de la RM 43-01 Ferrari. Sur des plateaux de présentation, les deux derniers modèles en Titane et Carbone TPT® sont enfin dévoilés à la presse.

Version limitée à 75 montres en Carbone TPT®, un composite ultra-léger, durable et exclusif à Richard Mille en horlogerie. L'architecture du calibre RM 43-01 repose sur une platine en titane grade 5 totalement revisitée et squelettée, pour une réserve de marche de 70 heures visible à 2 heures.
Version limitée à 75 montres en Carbone TPT®, un composite ultra-léger, durable et exclusif à Richard Mille en horlogerie. L’architecture du calibre RM 43-01 repose sur une platine en titane grade 5 totalement revisitée et squelettée, pour une réserve de marche de 70 heures visible à 2 heures.

Souriant, Maxime Guenat répond aux premières questions. «Nous aimons nous mettre la pression et être là où les clients ne nous attendent pas, explique-t-il. La première édition Ferrari RM UP-01 a été un choc pour beaucoup, et c’est exactement ce que nous recherchions.» Rappelons que ce modèle, lancé en 2022, mesurait à peine 1,75 millimètre de hauteur. En s’affranchissant de tous les codes esthétiques caractéristiques de la marque, Richard Mille fait à nouveau preuve d’audace en affichant un prix public tutoyant les 2 millions d’euros (1,7 million de francs suisses hors taxes).

Cette version en titane microbillée de la RM 43-01 Tourbillon Chronographe à Rattrapante Ferrari est limitée à 75 exemplaires. Parmi les nombreux clins d'œil stylistiques à la maison Ferrari, le sertissage des rubis du barillet renvoie au disque d'embrayage d'un moteur V8, tandis que les poussoirs et les index revisitent les détails angulaires et dynamiques des voitures 488 Challenge Evo, Daytona SP3 et SF90 Stradale.
Cette version en titane microbillée de la RM 43-01 Tourbillon Chronographe à Rattrapante Ferrari est limitée à 75 exemplaires. Parmi les nombreux clins d’œil stylistiques à la maison Ferrari, le sertissage des rubis du barillet renvoie au disque d’embrayage d’un moteur V8, tandis que les poussoirs et les index revisitent les détails angulaires et dynamiques des voitures 488 Challenge Evo, Daytona SP3 et SF90 Stradale.

Quant à Ferrari, la marque n’en est pas à son premier partenariat horloger. Pourtant, selon Tim Malachard, directeur marketing chez Richard Mille, c’est bien la marque emblématique Ferrari de Maranello qui «a pris l’initiative, en 2020, de solliciter notre maison horlogère». Les planètes semblaient s’être alignées cette fois-là. Richard Mille n’a plus à prouver sa dévotion au sport automobile. Par ailleurs, pour reprendre les propres mots de ce dernier, la «radicalité» du modèle économique, tout autant que la quête incessante de performance dans l’horlogerie ultra haut de gamme, auront convaincu les équipes de Ferrari.

La «radicalité» du modèle économique, tout autant que la quête incessante de performance dans l’horlogerie ultra haut de gamme, auront convaincu les équipes de Ferrari.

Côté produit, Cécile Guenat souligne que la RM 43-01 est la première Richard Mille conçue sans pilier afin «d’optimiser son aérodynamisme», un élément essentiel en automobile. Autre point notable: le déplacement de la cage de tourbillon de 6 à 5 heures, pour libérer l’espace visuel et mettre en exergue un élégant cheval cabré.

L'«extra mile», version Richard Mille

L’avenir de l’homme est…

Plus qu’une recette miraculeuse, la véritable singularité de Richard Mille réside peut-être dans un équilibre simple et universel, incarné à la perfection par la nouvelle génération Richard Mille: une parfaite parité des genres. Amanda Mille et Cécile Guenat partagent en effet, avec Alexandre Mille et Maxime Guenat, la gestion familiale de la marque.

Sous l’impulsion de Cécile Guenat, de nouveaux modèles féminins augurent d’un réel changement. «L’un de mes premiers projets sur lequel j’ai travaillé, déclare-t-elle à Serge Maillard en 2021, était celui de la RM HJ-01, une série de quatre pièces uniques aux motifs Art déco, serties de plus de 800 pierres, soit le produit joaillier le plus complexe et sophistiqué en termes de sertissage jamais réalisé par la marque.»

L'«extra mile», version Richard Mille

Forte d’une solide formation en bijouterie-joaillerie, elle joue un rôle clé dans la conception de l’audacieuse collection Bonbon (2019) qui explore de nouvelles pistes créatives. Elle signe ensuite les dix modèles tourbillon Talisman: «En démarrant le projet de la RM 71-02 Tourbillon Automatique Talisman, j’avais envie d’utiliser une grande variété de couleurs et de dégradés, d’apporter du serti neige, ainsi qu’un côté ‘paillettes’ à ces pièces. La musique, et plus largement l’esprit dans lequel je baignais en créant ces modèles, évoquait clairement l’univers disco.»

Dans un allant enthousiaste, les équipes, menées par une Cécile Guenat très inspirée et soutenue par une clientèle féminine, incarnent pleinement les valeurs de la marque: exploration de nouveaux matériaux, combinaisons innovantes de sertissages, et approche technique sans concession. Aujourd’hui, plus d’un tiers du chiffre d’affaires annuel serait généré par les modèles féminins, semblant confirmer la «prédiction» du poète Louis Aragon : «La femme reste l’avenir de l’homme».

Épilogue

Aujourd’hui retiré de la gestion opérationnelle de la marque éponyme, Richard Mille assure la présidence de la Commission Endurance de la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) tout en participant activement à la conception du musée de l’Automobile Club de l’Ouest, où ses voitures de compétition seront exposées.

Une retraite bien active, sous le signe encore et toujours du sport automobile.

L'«extra mile», version Richard Mille