u delà du nombre d’employés (15’548 très exactement en 2024), il est difficile d’obtenir des chiffres précis de la part du leader incontesté de l’industrie horlogère mondiale. Des estimations concourent à placer ses résultats à un niveau sans précédent dans l’histoire de la branche, avec des ventes annuelles dépassant la barre des 10 milliards de francs, représentant une part de marché oscillant au tiers de toute l’activité horlogère suisse.

Si le mystère d’une marque de cette taille sans prise de parole officielle a façonné son aura et sa légende durant les dernières décennies, Rolex semble néanmoins assouplir cette règle cardinale, sur des sujets bien précis. Après qu’un nombre incalculable d’ouvrages non authorisés lui aient été consacrés, elle a ainsi publié l’an dernier le premier d’une série de livres officiels, sur la Submariner sous la plume de Nicholas Foulkes.

Et s’il est un thème où l’opacité ne devrait pas être la norme, c’est celui de la durabilité (retrouver notre segment dédié ici).. La marque en a fait un axe majeur d’action et de communication: lancement de son site www.rolex.org, initiative Perpetual Planet, jusqu’à partager, pour la première fois, son rapport de durabilité précédemment réservé à l’interne.

Les principales parties prenantes de Rolex (Rapport durabilité Rolex)

Sur 118 pages, Rolex détaille son action et, fait encore plus rare, nous avons pu échanger avec la marque à ce sujet «qui gagne constamment en visibilité et en importance dans toute l’entreprise».

Pour mener à bien ce premier rapport public, Rolex a effectué une analyse du cycle de vie des produits et de leur impact - base de toute réflexion ESG - permettant de minimiser celui-ci. «Nous mesurons l’impact environnemental de matières, procédés ou services participant à la production de nos montres, produits connexes ou processus de fabrication. Nous pouvons ensuite mieux comprendre les opportunités d’amélioration et orienter nos choix en conséquence», explique Virginie de Meuron, responsable presse et relations publiques.

Inévitable circularité

En évoquant le cycle de vie d’un produit, le thème de la circularité émerge forcément comme l’un des axes majeurs pour réduire les impacts. Comment Rolex l’intègre-t-elle dans sa vision? Le rapport donne un premier élément de réponse: «En 2023, 70% de l’approvisionnement total en or de Rolex provenait de l’or circulaire industriel, issu des déchets de production de Rolex, qui est à ce jour la seule entreprise horlogère possédant un système de récupération de ce type ainsi que sa propre fonderie. Il s’agit là d’un parfait exemple de la circularité telle que la conçoit Rolex, qui nous permet de réduire nos impacts. Concernant le reste de l’approvisionnement: 18% proviennent des mines industrielles et artisanales et 12% de l’or résiduel en provenance de l’industrie horlogère et de l’industrie électronique.»

La responsable des relations publiques ajoute: «Plus largement, le recyclage de matériaux ou de résidus utilisés dans la production présente un fort potentiel de réduction d’émissions carbone pour Rolex, qui a mis en place un programme d’«analyse matière» afin d’évaluer les possibilités de recyclage. Les travaux en cours visent le remplacement d’éléments pétrosourcés par d’autres matériaux comme les polymères biosourcés. L’entreprise travaille également à l’évolution des technologies de recyclage et de fabrication ainsi qu’à la création de circuits courts entre déchets de production et matières premières. Nous récupérons en outre les conditionnements utilisés, les acheminons en circuit fermé chez les fournisseurs pour qu’ils les broient afin de les réinjecter dans la fabrication de nouveaux conditionnements. Enfin, grâce au programme Rolex Certified Pre-Owned, nous offrons la possibilité à nos clients d’acquérir des montres de seconde main certifiées authentiques.»

Quid de l’éco-design?

Dans cette même logique de réduction des impacts, l’éco-design apparaît comme essentiel. Comment cela se traduit-il chez Rolex? Là encore, le rapport donne des pistes concrètes mises en lumière par la responsable presse: «En vue de réduire son impact environnemental, Rolex a travaillé dès 2020 au développement d’un nouvel écrin pour la livraison des montres aux clients finaux. Constitué d’une structure principale en bois (45%) et de différents composants en carton et en cellulose moulée (31%), ce nouvel écrin réduit sa part de plastique pétrosourcé de 92% à 6%, soit une diminution totale de 500 tonnes de plastique par an. L’introduction de ce nouvel écrin écoresponsable garantit de plus une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre liées à son cycle de vie. En outre, les bâtiments Rolex en Suisse ainsi que ses filiales à l’étranger travaillent à l’obtention de certifications environnementales. Ainsi, le site des Acacias à Genève a obtenu en 2023 le label BREEAM In-Use. Le futur site de Rolex prévu à Bulle en 2029 ambitionne quant à lui d’obtenir la certification BREEAM Outstanding, ce qui ferait de lui le premier bâtiment industriel suisse de cette ampleur à recevoir cette distinction.»

La question des compensations

Le recours à des compensations d’émissions carbone est aussi abordé dans le rapport. La responsable presse détaille la vision de la marque: « Aujourd’hui, la priorité pour Rolex consiste à réduire ses émissions de gaz à effet de serre au sein de ses activités et tout au long de sa chaîne de valeur. Pour ce faire, l’entreprise s’est fixée des objectifs de réduction de son empreinte carbone basés sur la Science Based Targets initiative (SBTi) d’ici à 2030. Focalisée sur la réduction de son impact et de ses émissions carbone, Rolex n’investit pas dans des projets de compensation carbone. Ainsi, l’entreprise suit la bonne pratique consistant à d’abord réduire ses émissions au maximum avant de compenser les émissions dites résiduelles. Toutefois, dans le cadre de ses activités commerciales, Rolex a recours à l’aviation privée, la présence internationale de la marque, le développement ainsi que la gestion des affaires de la société nécessitant des déplacements de cet ordre. Aussi, Rolex compense entièrement les émissions de CO₂ résultant de ce type de voyages via l’achat de crédits carbone certifiés. En parallèle, la marque soutient de nombreux projets par le biais de son initiative Perpetual Planet. En accompagnant des individus passionnés mettant tout en oeuvre pour mieux comprendre notre planète, Rolex a notamment contribué, à travers les Prix Rolex à l’esprit d’entreprise, à protéger 48 espèces menacées, à planter 33 millions d’arbres et à préserver 32 écosystèmes majeurs, dont 57’600 km² de forêt tropicale amazonienne ».

Rolex publie son bilan carbone global, qui est passé de 3’231 ktCO2eq en 2021 à 1’996 kTCO2eq en 2023 (kilo tonne équivalent carbone), dont 99% issu du scope 3. Par ailleurs, il faut noter que 88% de ces émissions proviennent des matières précieuses, dont l’or minier à hauteur de 89,5% (en 2023). De même, Rolex dévoile des objectifs ambitieux de réduction pour 2030 (vs 2021) des scopes 1, 2 & 3 en valeur absolue, en phase avec l’Accord de Paris: respectivement -42% (scopes 1 & 2) et -25% (scope 3).

Comment la marque à la couronne a-t-elle obtenu des résultats si importants de réduction de son bilan carbone? Le rapport donne les premiers éléments de réponse: «Cette baisse est majoritairement due aux décisions stratégiques prises sur l’approvisionnement en or, comme la réorientation d’une partie du volume d’or minier acheté au profit de l’or résiduel, moins émissive, l’évolution de notre panel des mines vers des sources moins émissives mais aussi la réduction du volume d’or total acheté grâce à un déstockage conséquent et ponctuel.»

Et la responsable presse d’ajouter: «Pour les années à venir, notre priorité est d’atteindre nos objectifs SBTi. Ceci sera notamment possible grâce à différentes actions concrètes, tel que la mise en place de solutions d’efficacité énergétique, l’approvisionnement responsable des matières premières, la diminution de la part d’or minier, le passage de l’électricité issue de sources fossiles au renouvelable, l’achat de machine efficientes ainsi que l’optimisation du transport, de la mobilité et des conditionnements.»

Implication des équipes

Les réponses, certes policées, à nos questions révèlent une volonté marquée de faire des sujets ESG une priorité stratégique. Ce que souligne Jean-Frédéric Dufour, Directeur général de Rolex SA, dans une citation du Rapport Durabilité 2023: «La durabilité est un voyage au long cours, qui se prépare et se vit au quotidien. C’est aussi une démarche et un défi qui nous concernent tous. Pour Rolex, ce sujet est une priorité. Car à notre échelle, nous avons le pouvoir d’agir très concrètement, en faveur de l’environnement et de la société.»

Le rapport évoque aussi le recours à des ateliers de «La Fresque du Climat», outil très usité en entreprise pour sensibiliser et former les équipes aux enjeux de la durabilité et identifier les aspirations tant en interne que celles des clients finaux. Virginie de Meuron développe: «L’approche ludique et collaborative des ateliers de sensibilisation de La Fresque du Climat, fondés sur des données issues des rapports scientifiques du GIEC, permettent à des publics divers de s’approprier les enjeux liés au changement climatique, l’un des piliers de la durabilité chez Rolex. En 2024, l’ensemble des membres de la Direction et des cadres de l’entreprise ont participé à la Fresque du climat qui était également ouverte à l’ensemble des employés Rolex souhaitant y participer de façon volontaire. Pour aller plus loin, un plan de formation couvrant l’ensemble des enjeux de durabilité – incluant les sujets sociaux, environnementaux et de gouvernance – est en cours de déploiement.».

Ce premier rapport public envoie un signal fort à toute l’industrie horlogère. Les rapports durabilité deviennent très concrets, les baisses d’émissions ne s’expriment plus en intensité mais en valeurs absolues. L’heure est à l’action concrète et à la transparence. Parole de Rolex.