L’horlogerie indépendante


Byrne: ballet horloger au poignet

PORTRAIT

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juin 2024


Byrne: ballet horloger au poignet

Bien que le monde horloger foisonne de nouveaux venus chaque année, les concepts réellement innovants et clairement différents sont, eux, assez rares. Lancée en 2022, la marque indépendante Byrne s’est immédiatement distinguée par son approche unique: «une montre, quatre faces». Une idée née lors de la représentation d’un ballet à l’Opéra Garnier... et qui a nécessité de longues recherches pour parvenir à être incarnée mécaniquement.

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ohn Byrne, créateur de la marque éponyme, est designer industriel de formation. Il est passionné d’horlogerie depuis ses 13 ans, âge auquel il reçu sa première montre de ses parents. Son amour de l’horlogerie s’est traduit par une formation non-académique auprès de ses «grands-pères horlogers» - spirituels ou non -, tels que Jean-Claude Sabrier ou Gendron.

Pendant de longues années, il a cherché des pépites horlogères à restaurer à travers le monde. Depuis plus de 25 ans, il s’est consacré à la remise en forme, à la réparation de montres de grandes marques comme Rolex, Audemars Piguet, Breitling, grâce au rachat d’un atelier de services, agréé par ces dernières à Paris. Le rêve de créer sa propre marque était son graal depuis longtemps. Puis eut lieu le déclic à l’Opéra Garnier, en 2015, devant «Apollon Musagète» de George Balanchine. L’idée d’une montre aux quatre visages était née.

La nouvelle collection Meca, sortie en mai 2024, avec son cadran ouvert, son remontage à 12 heures et, ici, des chiffres arabes en index.
La nouvelle collection Meca, sortie en mai 2024, avec son cadran ouvert, son remontage à 12 heures et, ici, des chiffres arabes en index.
©Igor Laski

Débute alors un long travail de développement et de recherche de partenaires pouvant concrétiser la vision innovante de John. Claire Cohen, co-fondatrice et CEO de Byrne, raconte: « Nous avons visité la Suisse en long et en large. C’est à Fleurier que nous avons trouvé notre partenaire clé: Le Temps Manufactures (lire notre article dédié ici, ndlr). Le courant est immédiatement passé. Ils ont travaillé avec des marques comme Ressence, ils sont donc très réceptifs aux concepts innovants et audacieux et familiers avec l’esprit d’indépendance qui nous anime.»

Le Temps Manufactures produit désormais tout pour Byrne, excepté les boîtes en titane grade 5. Claire Cohen confie: «Le défi pour nous était de trouver un partenaire qui comprenne notre ADN, le nouveau discours horloger que nous proposons, très innovant, ludique et à la fois très qualitatif. Il s’agit de marier simplicité d’usage et complexité de réalisation. Donner du plaisir aux collectionneurs avec un effet «wow» immédiat, tant au niveau visuel qu’horloger.»

La Gyrodial 311, cadran bleu, au profil inspiré de la Porsche Targa, avec son cadran plein et ses index personnalisables, ici en chiffres arabes
La Gyrodial 311, cadran bleu, au profil inspiré de la Porsche Targa, avec son cadran plein et ses index personnalisables, ici en chiffres arabes
©Igor Laski

Le résultat est probant avec la création du calibre 5555 qui équipe le GyroDial Zéro au cadran ouvert et la Gyrodial 311 au cadran fermé, dont les lignes sont inspirées de l’arrière d’une Porsche 911 Targa, autre passion de John Byrne. Le niveau d’exigence et la volonté de simplicité se ressentent dans l’instantanéité du mouvement des cubes cardinaux à 12h, 3h, 6h et 9h, dans la précision des plans à fleur de cadran et dans le bruit mat qui accompagne les changements de visages de la montre. Un travail qui évoque les complications Grande Date des plus grandes marques de haute horlogerie.

Les finitions polies et satinées alternent sur la boîte en titane grade 5
Les finitions polies et satinées alternent sur la boîte en titane grade 5
©Igor Laski

La boîte est également inédite et dénote de la recherche d’excellence de la marque. Son design a été entièrement pensé par John Byrne. La réalisation a été confiée à Boucledor, le fabricant de boucles qui a racheté nombreux de ses sous-traitants dont un spécialiste du titane, nécessaire pour atteindre les niveaux de finitions requis par Byrne.

Le couple, au fonctionnement très complémentaire - le créatif et l’entrepreneure -, lance officiellement la marque Byrne en juin 2022 aux Geneva Watch Days. Le succès est au rendez-vous puisqu’un an et demi plus tard, 200 montres ont été vendues. La distribution se met en place en France avec Chronopassion, en Allemagne avec Haag Juwelier et Pletzsch, au Japon avec Noble Styling Gallery, Mitsukoshi et Kijinkan, et aux Etats-Unis avec Provident.

Détail de la nouvelle collection Meca Blue. Le cadran ouvert permet d'apprécier la complexité des mécanismes pivotants des index en chiffres arabes en titane brossé.
Détail de la nouvelle collection Meca Blue. Le cadran ouvert permet d’apprécier la complexité des mécanismes pivotants des index en chiffres arabes en titane brossé.
©Igor Laski

Claire Cohen, spécialiste du retail de luxe, explique: «Nous montons notre premier cercle de détaillants - les dix premiers avec qui nous réfléchissons aux développements futurs de la marque. Ce sont de vrais partenariats que nous mettons en place, basés sur une compréhension mutuelle. Nous leur donnons une exclusivité et ils nous partagent leur vision de leur marché. C’est ainsi que l’on avance le mieux. Demain, nous souhaitons faire de même sur des marchés comme Singapour, Hong Kong ou en Chine, voire en Inde.»

Le nouveau mouvement à remontage manuel, le calibre 5557, qui équipe la nouvelle collection Meca. Finitions de haute horlogerie et remontage à 12 heures
Le nouveau mouvement à remontage manuel, le calibre 5557, qui équipe la nouvelle collection Meca. Finitions de haute horlogerie et remontage à 12 heures
©Igor Laski

Leur concept de montre qui change de visage toutes les 12 heures (ou à la demande), d’index aux choix multiples, voire totalement personnalisables, plaît. Mais la marque ne risque-t-elle pas de perdre son identité avant même de l’avoir affirmée? La CEO répond sans détours: «L’ultra-personnalisation que nous proposons fait beaucoup parler, mais ne représente en fait que 15 à 20% de notre production à ce jour. Nous avons des collections bien définies: la Gyrodial 311 et son cadran plein, la Gyrodial Zéro, ainsi que notre nouvelle ligne Meca, sortie en mai 2024, avec un nouveau mouvement à remontage manuel, le calibre 5557, plus fin, un boîtier réduit de 38 mm (toujours en titane grade 5), un cadran squeletté et un remontage à 12h. L’identité de la marque se situe davantage dans l’approche unique des changements de visages, la qualité du mouvement, de nos boîtiers, et l’aspect ludique.»

La Gyrodial 311, cadran gris et index en chiffres romains
La Gyrodial 311, cadran gris et index en chiffres romains
©Igor Laski

La marque appuie donc son développement sur des bases solides, un ADN bien défini et des partenaires peu nombreux et bien identifiés. Le défi pour la suite? «Nous allons davantage communiquer et faire grandir notre notoriété et notre désirabilité auprès d’un public de connaisseurs. Les réseaux sociaux et les influenceurs ciblés sont des axes importants pour nous», relève Claire Cohen, qui ajoute: «Il nous faut aussi gérer l’augmentation de notre production. Nous sécurisons celle-ci pour les deux prochaines années en payant d’avance nos fournisseurs».

Quel est le but à moyen terme? «La volonté est d’atteindre les 1’000 montres d’ici quatre à cinq ans, mais certainement pas de dépasser les 5’000 montres à plus long terme. Nous allons introduire une complication, probablement en 2025. Puis une grande complication dans les trois prochaines années.»