a création d’un pôle horloger au sein de LVMH, avec Frédéric Arnault à sa tête, est en train d’aboutir à une coordination plus étroite entre les marques qui en font partie et sur une vision industrielle commune en tant que groupe. Si TAG Heuer est confirmée comme la marque la plus «universelle» de l’entité, symbolisée par la forte visibilité que lui confére désormais son statut de sponsor de la Formule 1, et que Hublot est promise à retrouver sa place pionnière dans l’exubérance mécanique, Zenith incarnera au sein cette architecture la solidité et la crédibilité industrielle en tant que manufacture de calibres – un pilier qu’elle construira avec les investissements du groupe, tout en poursuivant la production de ses propres modèles.

La conception puis fiabilisation de mouvements étant une affaire qui ne se compte pas en trimestres mais en années voire décennies, la marque du Locle, qui fête ses 160 ans, a de nombreux atouts à faire valoir, à commencer par son expertise dans la maîtrise de la haute fréquence horlogère. Ce rôle de manufacture pour des tiers est d’ailleurs loin d’être nouveau: au cours de sa longue histoire, son chronographe El Primero, lauréat de pas moins de 230 prix de chronométrie, a équipé de nombreuses marques, à commencer par Rolex, et Zenith poursuit ce rôle aujourd’hui encore en le fournissant au sein du groupe LVMH, à Dior ou encore Hublot.

«Pourquoi pas!»

Mais ce qu’elle pouvait livrer à la marge devient désormais une priorité stratégique pour le groupe: d’un côté, elle est associée une forme de crédibilité et de distinction auprès du client final qui ne saurait reposer sur une base de calibres standards de fournisseurs comme Sellita; de l’autre, compter sur certains des motoristes les plus réputés mais tiers n’est pas une garantie d’autonomie – le cas de Vaucher Manufacture, dont on évoque un rachat de longue date maintenant, étant dans toutes les têtes. Un changement de dimension stratégique, donc.

Equipée du mouvement El Primero 3600 à haute fréquence (5 Hz ou 36’000 alternances par heure) qui permet d’afficher le 1/10ᵉ de seconde, la Chronomaster Sport s’est imposée comme un modèle phare chez Zenith. Réalisée en or blanc 18 carats, cette interprétation Rainbow, luxueuse et colorée, fait écho au modèle en or rose dévoilé l’an dernier, orné de diamants taille baguette, de spinelles et de saphirs.

«Zenith est un cas très rare, voire unique: celui d’une manufacture qui est restée dans ses murs depuis ses origines, il y a 160 ans, malgré tous les changements dans l’industrie, les guerres, les bouleversements industriels. Nos fondamentaux sont dans ce savoir-faire et leur transmission, notre héritage et notre âme sont dans ce bâtiment et cette manufacture qui va maintenant nous ouvrir un nouveau pilier avec les livraisons aux autres marques», souligne Benoit de Clerck, CEO de Zenith depuis un peu plus d’une année, à présent en charge de mener à bien les opérations induites par cette stratégie de groupe repensée.

Benoit de Clerck, CEO de Zenith

La création de ce «socle commun», qui débutera par la conception d’un mouvement à trois aiguilles comme plateforme de développement pour le pôle horloger, répondra en priorité aux besoins des autres marques du groupe, mais la livraison à des tiers hors groupe n’est pas exclue: «Pourquoi pas!» Le premier calibre commun devrait voir le jour sous deux ans.

Les deux lignes stratégiques

Cette extension du domaine industriel au service du groupe, en planification chez Zenith, ne doit cependant pas faire oublier le travail mené sur la désirabilité de celle que l’on a longtemps vue comme une pépite discrète. D’autant plus pour la célébration de ses 160 ans. Un modèle symbolise peut-être plus que tout autre ce travail de fond mené sous Julien Tornare (aujourd’hui à la tête de Hublot) et poursuivi sous Benoit de Clerck: la Chronomaster Sport, positionnée sur un segment sport-chic cher à la marque et présentée en ce début d’année avec une audacieuse nouvelle lunette rainbow.

La ligne Chronomaster constitue l’entrée dans la marque, dès 7’500 CHF et avec un prix de 11’000 CHF pour la version Sport, stratégique dans l’édifice commercial de Zenith. Mais si le prix moyen «a doublé sur cette dernière décennie, à 14’000 CHF», c’est du fait de la montée en puissance de la ligne avant-gardiste Defy, le visage le plus contemporain de la marque, dont la version Skyline chronographe est «rapidement entrée dans le top 10 des ventes». A elles deux, les lignes Defy et Chronomaster, reposant toutes deux sur des développements successifs de l’El Primero, représentent plus des deux tiers des ventes de Zenith.

La squelettisation permet d’admirer pleinement le calibre du Defy Skyline Chronograph, proposant ainsi une vision très contemporaine du mouvement El Primero.

Cette année, la Defy a quant à elle été entièrement squelettée, y compris le mouvement, dénotant là encore l’expertise de la marque dans le calibre. «On voit beaucoup de cadrans open heart, mais il existe relativement peu de chronographes véritablement squelettes sur le marché, relève Benoit de Clerck. Sur ce modèle, nous jouons à la fois avec les fréquences du mouvement et avec celles des couleurs. C’est une prouesse technique, nous sommes très fiers de nos horlogers.»

Forte de son héritage, Zenith poursuit en outre son programme Icons qui remet en valeur des modèles vintage. Le développement de l’activité de livraison de mouvements constituera aussi une sécurité commerciale supplémentaire pour la marque dont les ventes sont «équilibrées» entre Asie, EMEA et Amérique. «Avec cet accent sur le mouvement, nous gardons notre âme profonde. Comme un arbre qui aurait poussé depuis 160 ans dans son champ, sans aucun déracinement.»