vec ce lancement, nous célébrons quelque chose d’important qui a commencé en 2014 avec l’Octo Finissimo qui a ouvert une nouvelle ère en termes de mouvements pour Bvlgari, relate Jean-Christophe Babin. Le déclic a été de comprendre que l’on pouvait parvenir à une volumétrie plus faible de nos calibres en réduisant le nombre total de composants plutôt qu’en réduisant la taille de chaque composant.»

En dix ans, plus de dix mouvements sont développés dans l’extra-plat contemporain, y compris répétition minutes, calendrier perpétuel ou encore tourbillon. Cette expertise récente dans la R&D mouvements a essaimé au-delà de la ligne Octo Finissimo: d’abord en 2022, avec le plus petit mouvement mécanique de forme ronde au monde, le Piccolissimo, destiné à la Serpenti; puis, en cette année du serpent 2025, avec ce mouvement automatique Lady Solotempo BVS100 aux dimensions réduites, pour cette même collection.

Inauguré pour la collection Serpenti Seduttori et pour deux créations Serpenti Tubogas, le mouvement automatique Lady Solotempo affiche 19 mm de diamètre et 3,90 mm d’épaisseur. Il ne pèse que 5 grammes et dispose d’une réserve de marche de 50 heures. Sa forme ronde et compacte est adaptée aux courbes de Serpenti, et se prête également aux autres créations Bvlgari.

Par la mécanique, «doubler le potentiel commercial»

Une forme de réparation de l’histoire, commente Jean-Christophe Babin: «Bvlgari est réellement entrée dans le monde horloger avec la montre à secret Serpenti de 1948, inspirée par l’esthétique de Cléopâtre. A l’époque, ce sont évidemment des mouvements mécaniques qui équipent ces modèles, achetés auprès des plus importantes manufactures suisses. Tout cela meurt avec la crise du quartz et d’ailleurs les calibres mécaniques qui disparaissent en premier sont les mouvements de modèles féminins, car ils sont déjà minoritaires à cette époque.»

A la suite de cette crise, la production de modèles Serpenti se poursuit, exclusivement équipées de mouvements quartz, jusqu’à ce qu’en 2022 Bvlgari ramène avec le mouvement mécanique Piccolissimo «ce qu’elle n’aurait jamais dû arrêter». Cette période de latence, aussi liée à la particularité de la forme «ovoïde» de la Serpenti, et surtout la décennie d’explorations multiples de la marque, a néanmoins permis de concevoir un mouvement beaucoup moins compliqué que ceux d’époque, avec seulement une centaine de composants.

Avec 30 heures de réserve de marche, la Piccolissimo reste néanmoins un produit d’exception, à remontage manuel pour gagner en place et en faire le plus petit mouvement mécanique du monde. Restait donc à produire un mouvement du quotidien, à remontage automatique, certes un peu plus volumineux mais disposant d’une plus large réserve de marche, de l’ordre de 50 heures. Son rotor bidirectionnel a été conçu en carbone de tungstène, pour l’alourdir et générer davantage d’énergie.

«Il nous fallait trouver le juste compromis entre épaisseur et diamètre, tout en conservant la même esthétique que la montre à quartz, souligne Jean-Christophe Babin. A 3,9 mm d’épaisseur, cela reste un modèle très fin. Et nous allons continuer à proposer les versions quartz simultanément aux nouvelles possibilités offertes par la mécanique. De nouveaux horizons qui doublent sans doute le potentiel commercial de la Serpenti, au vu de l’importance prise par les calibres mécaniques en horlogerie, y compris pour l’achat de modèles féminins! Et nous sommes sur une lancée favorable, puisque nous avons réalisé pour l’horlogerie Bvlgari une année record en 2024. Doter enfin notre icône féminine d’un mouvement mécanique nous conforte dans notre optimisme.»

Penser en tant que groupe

Le CEO insiste sur la recherche propre requise pour chaque développement de nouveau mouvement: «Il s’agit de notre treizième mouvement et même si nous accumulons de l’expérience et de l’innovation conceptuelle, nous repartons chaque fois concrètement d’une page blanche. Vous savez, ils ont beaux tous s’appeler Octo Finissimo, tous ces mouvements n’ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres, mis à part qu’ils sont tous ultra-fins! Nous n’avons pas une base commune, plutôt une même philosophie, celle de réduire le nombre total de composants.»

Et de révéler que ce mouvement sera, dans un deuxième temps, rendu disponible aux autres marques de LVMH. Une approche révélatrice d’un changement plus large dans la stratégie industrielle du pôle horloger du groupe: si la vocation de la manufacture Bvlgari du Sentier n’est pas de faire du volume, «nous aurons besoin à terme d’un mouvement mécanique de petite taille, fiable et commun, produit en plus grandes quantités».

Dans la veine annoncée de la nouvelle stratégie annoncée autour de Zenith comme manufacture pour l’ensemble du groupe (lire notre article dédié), les discussions sont en cours sur un calibre de base pour les modèles féminins des marques de LVMH.

«Cela fait maintenant 25 ans que LVMH est active en horlogerie, avec un portfolio qui compte aujourd’hui dix marques, positionnées plutôt haut de gamme. Il fait sens de créer des synergies sans compromettre l’identité de chaque marque, en conservant par exemple l’exclusivité de Finissimo chez Bvlgari, d’Unico chez Hublot ou de Timegraph chez TAG Heuer. Par contre, sur des mouvements plus standards, à heure minute seconde, une plateforme commune permet de parvenir à une masse critique par groupe plutôt que par marque.»

Trois options pour un calibre universel Dames

Zenith a été choisie pour établir cette plateforme commune, car elle est une «marque de volume historiquement, aux capacités de production et à l’expertise industrielle forte». Ainsi, après son lancement au Sentier, le mouvement Solotempo devrait être industrialisé dans un deuxième temps dans la manufacture du Locle (garantissant au passage un important carnet de commandes à Zenith), afin de «profiter à toutes les marques du groupe qui veulent développer leur offre de montres féminines».

Surtout, l’intention, parallèle à celle de la conception d’un mouvement universel trois aiguilles pour toutes les marques du groupe déjà évoquée, est celle d’un même calibre pour la conception de modèles féminins chez ces mêmes marques. A ce sujet, Jean-Christophe Babin évoque trois pistes possibles: «Zenith a son calibre Elite, nous avons notre Solotempo, et la troisième hypothèse est celle de partir d’une feuille blanche. Cette troisième option est intéressante car elle permet d’adoprter les meilleurs standards actuels, avec des niveaux de finition accrus et de lui appliquer la recette Finissimo, soit moins de composants pour un temps de montage plus efficace.»

Pour la première fois, consciente de son potentiel et structurée en tant que pôle, l’horlogerie LVMH veut ainsi investir dans un outil industriel commun. «De plus, ajoute le CEO de Bvlgari, la montre féminine est plutôt le parent pauvre de l’industrie horlogère, or nous avons au sein du groupe des marques très féminines. C’est donc un marché potentiel très intéressant. Il faut faire de vraies montres femmes pour les femmes! Cette très grande féminité du groupe est un atout, alors que l’industrie suisse reste très masculine.»

Des synergies existaient certes auparavant au sein du groupe, mais elles étaient plutôt «occasionnelles», comme le recours par Bvlgari à l’El Primero de Zenith sous le nom de Velissimo. «Ce qui ne ferait aucun sens serait que chaque marque lance son heure minutes secondes au sein du groupe, plutôt que de profiter d’économies d’échelle. Mais ce système ne sera pas rigide non plus: chaque marque aura certainement à cœur de personnaliser ce mouvement selon son identité, si l’on pense par exemple à la décoration de la masse oscillante, de la platine ou des ponts. Chaque marque restera sur ses fondamentaux, mais sur une base commune. Nous avons beaucoup plus à y gagner qu’à y perdre, également en termes de fiabilité, car les volumes sont le garant de l’efficacité industrielle.»

Quel est le calendrier pour ce projet? «Nous nous donnons deux à trois ans. Cela dépendra bien sûr aussi de la demande des autres marques. Paradoxalement, ce calibre prendra moins de temps à produire si nous partons d’une feuille blanche que si nous adaptons un calibre existant, car certaines contraintes ne sont pas toujours correctibles. D’ici quelques mois, nous aurons bien analysé options en présence.»

Une question peut encore entrer dans l’équation: celle de doter les différents calibres de la plateforme commune au groupe d’un échappement en silicium. «C’est une possibilité, glisse Jean-Christophe Babin. Mais tout ne passera pas par cette plateforme. En parallèle, nous continuerons à mener notre propre R&D mouvements.»