pos» est un mot latin, dérivé du grec ancien, qui signifie «un long poème narratif racontant les grandes histoires d’un héros». Et de fait, la marque a connu un parcours épique, puisque elle est née en plein dans la plus grande crise que l’industrie horlogère suisse ait jamais connue.

À l’époque, de nombreuses marques se tournaient vers la nouvelle technologie du quartz pour rester pertinentes et survivre. Mais Peter Hofer, un vétéran de l’industrie horlogère, ne pensait pas ainsi. Pour sa part, à rebours des tendances, il décide de perpétuer la tradition de l’horlogerie mécanique.

Cela ne pourrait être plus clair que sur cette archive de 1985, où une montre de poche mécanique d’Epos côtoie des modèles quartz d’autres marques: la société bernoise est partie à contre-courant dans ces années difficiles pour l’horlogerie suisse.

©Archives Europa Star

«Peter Hofer avait une longue expérience dans l’horlogerie et s’est associé à Jean Fillon, héritier de la marque James Aubert. Ensemble, ils ont lancé la marque Epos en 1983 et créé certains des calibres qui ont défini la marque, comme les heures sautantes, la réserve de marche, le régulateur ou la grande date. Ils ont ainsi posé les jalons de la marque Epos: des montres mécaniques à forte valeur ajoutée à un prix abordable, les mouvements étant basés sur d’importants stocks de calibres ETA, Peseux ou Landeron qu’ils ont pu acquérir», relate le CEO actuel, Tamdi Chonge-Forster.

Pendant près de vingt ans, la marque s’est ainsi développée, notamment en Asie où l’intérêt pour les montres mécaniques suisses était très vif.

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En famille depuis plus de 20 ans

Au début des années 2000, Peter Hofer n’a pas de descendance et cherche à transmettre les rênes de son entreprise. C’est le moment où Tamdi Chonge-Forster se manifeste: «Je travaillais dans l’industrie horlogère suisse depuis 1971. J’ai commencé chez Fortis, puis j’ai rejoint Certina en 1975, que j’ai longtemps dirigée. J’ai aussi connu la crise du quartz et ses licenciements massifs. Mais j’ai toujours rêvé d’avoir ma propre marque de montres mécaniques. Lorsque j’ai appris que Peter Hofer cherchait à vendre sa société, je l’ai contacté et il a vendu la société à ma femme Ursula Forster et à moi-même en 2002.»

Modèle 3383 Vertical Big Date dans la collection Artistry. Symbole de la philosophie de la marque de proposer des complications innovantes comme cet affichage grande date verticale original.

Le premier objectif était de développer la marque à l’échelle internationale et de se concentrer sur la marque Epos elle-même. Tamdi Chonge-Forster explique: «À l’époque, Epos réalisait beaucoup d’affaires sous marque privée en Europe, ce qui était un peu déroutant. Par exemple, nous avions 10 clients différents en Allemagne qui utilisaient les montres Epos sous 10 noms différents. Avec mon épouse, nous avons décidé d’abandonner progressivement toutes les marques privées et de nous concentrer sur le rétablissement du nom Epos.»

Autre exemple de complication horlogère à un prix abordable, ce modèle Epos 3440 BM avec phase de lune et calendrier annuel, proposé pour 2’520 CHF. Grande lune et étoiles luminescentes, jour de la semaine, date et mois.

Aujourd’hui, les 8’000 à 12’000 montres fabriquées chaque année portent le nom Epos. Les mouvements sont désormais basés sur des ebauches ou calibres Sellita, modifiés par trois horlogers au sein des ateliers de la marque à Lengnau. Les montres sont conçues en interne. L’assemblage est réalisé en collaboration avec un partenaire de longue date. Pour que les prix restent abordables, une grande partie du travail est effectuée par des membres de la famille eux-mêmes.

«Le marché des montres mécaniques a beaucoup évolué depuis 2002. À l’époque, les montres mécaniques étaient rares dans le segment moyen de gamme. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de concurrence. Nous sommes très vigilants», précise le CEO.

La famille Chonge-Forster au grand complet travaille pour la marque Epos. De gauche à droite: Dawa Jessica Rey, Tamdi Chonge-Forster, actuel CEO, Singi Dirk Chonge et Ursula Forster.

L’atelier de montage d’Epos à Lengnau.

Sur la droite ligne du fondateur

Justement, sur ce terrain très concurrentiel, comment la marque Epos peut-elle se différencier? Tamdi Chonge-Forster répond dans la droite ligne du fondateur: «Nous nous concentrons sur nos modèles à valeur ajoutée avec nos propres modules. Nous essayons de les maintenir dans une fourchette abordable située entre 1’500 et 3’500 CHF. Nous proposons aussi un modèle d’exception à répétition minutes à moins de 15’000 CHF.»

Modèle emblématique de la marque, la 3435 Verso 2 en édition limitée. Montre demi-squelette avec cadran en trois parties, modification artisanale d’Epos “Verso” et pulsomètre au dos.

Ses bestsellers comprennent des modèles à module additionnel, comme la phase de lune ou la grande date verticale - soit des complications populaires proposées à des prix très abordables. «La Verso, dont le mouvement est basé sur un calibre de montre de poche Unitas que nous avons retourné, est également plébiscitée», ajoute l’entrepreneur.

Nouveauté 2024, Epos 3505, montre sport et élégante en acier inoxydable, étanche à 100m, index 3D appliqués en Superluminova, CHF 1’600.

Alors que le marché de l’horlogerie se resserre, comment Epos se porte-t-elle aujourd’hui? Tamdi Chonge-Forster le reconnaît: «Le marché est difficile en ce moment. L’instabilité géopolitique est très forte en Chine, ainsi qu’en Russie. Les États-Unis semblent se maintenir, mais Epos n’y est pas présente. Notre chance est qu’en tant que petite entreprise familiale, nous pouvons résister aux tempêtes et nous adapter. Nous travaillons à l’introduction de modules plus complexes. Nous allons aussi développer de nouveaux marchés comme les Etats-Unis justement ou l’Inde.»

Nouveauté 2024, le modèle Epos 3505 SK, version squelettée de la 3505.

Cela signifie-t-il que les prix d’Epos vont augmenter? «Absolument pas, nous avons une fourchette de prix dans laquelle nous voulons rester. Au cours de ma longue expérience dans le secteur, j’ai vu de nombreuses marques essayer d’atteindre un segment de prix plus élevé et échouer. Notre objectif est d’accroître la désirabilité de nos montres. Nous envisageons de créer des modèles plus colorés pour attirer de nouveaux clients. En fin de compte, c’est vraiment sur la valeur qu’Epos ajoute à ses montres que nous continuerons à nous battre.»