Portraits


Speake Marin à l’heure de la maturité

janvier 2025


Speake Marin à l'heure de la maturité

La marque a fêté ses 20 ans en 2022. Un cap important dans le monde des horlogers indépendants et une confirmation de sa pertinence sur le marché. Speake Marin s’est fortement développé et a mûri tant dans sa production que dans son offre produit et dans sa communication. Europa Star a rencontré Christelle Rosnoblet, à la tête de l’entreprise depuis plus de dix ans. Elle nous raconte comment Speake Marin est devenu une manufacture, ainsi que sa stratégie pour le futur.

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n 23 ans, Speake Marin est passé de marque de niche confidentielle à véritable manufacture horlogère indépendante, créant ses propres mouvements. À l’époque, Speake Marin vendait quelques dizaines de montres par an. Aujourd’hui la marque s’approche des 600 à 700 montres produites chaque année. Un changement de dimension.

«Cela a été une grande aventure, s’exclame Christelle Rosnoblet en retraçant cette évolution.Lors de ma rencontre avec Peter Speake-Marin, en 2002, il produisait dix montres par an et l’entreprise comptait trois personnes. La marque se concentrait sur le «bespoke», la conception des pièces uniques. Peter Speake-Marin travaillait les mouvements lui-même et s’associait à des artisans en métiers d’art en externe.»

Christelle Rosnoblet, CEO de Speake Marin
Christelle Rosnoblet, CEO de Speake Marin

C’est en découvrant la boîte Piccadilly, élément identitaire clé de la marque, que l’entrepreneuse dit saisir tout le potentiel différenciant de la marque. Elle poursuit son récit: «Avant de me plonger dans la modernisation de la société, il a fallu que je comprenne bien le milieu horloger, que je découvrais alors. Rapidement, j’ai réalisé que les mouvements étaient essentiellement faits sur une base Technotime. Ils se sont révélés peu fiables et entraînaient beaucoup de SAV. Il a donc fallu avant tout rassurer le marché. J’ai sollicité Vaucher Manufacture, qui était beaucoup plus reconnu, et nous avons travaillé avec eux pendant trois à quatre ans.»

Développement d’un mouvement «maison»

L’association avec Peter Speake-Marin se renforce et Christelle Rosnoblet devient CEO en 2011. L’année suivante, sa rencontre avec Nicolas Herren et Alain Schiesser, qui venaient de créer leur entreprise de mouvements, Le Cercle des Horlogers, a été une nouvelle étape déterminante: «L’idée de nous associer avec eux m’est apparue comme une évidence. J’estimais que pour réellement être reconnue, une marque indépendante se devait de produire ses propres mouvements. Nous avons mis deux ans pour créer notre premier calibre ensemble, le double tourbillon vertical, puis le tourbillon simple de la Magister. Au vu de la qualité des produits, nous avons investi dans Le Cercle des Horlogers en 2015 et peu à peu nos propres mouvements sont venus remplacer les calibres de Vaucher Manufacture.»

Ce sont ensuite de petites touches qui font évoluer la marque, concentrée à l’époque sur la collection Piccadilly, comme la modernisation de la boîte emblématique pour la rendre plus fine et ergonomique, en phase avec la finesse des nouveaux mouvements et les attentes du marché. Puis le passage au titane qui vient remplacer l’acier. Survient ensuite l’annonce du départ de Peter Speake-Marin en 2017. Ce qui signifie un nouveau tournant pour la marque.

La nouvelle identité Speake Marin

En 2017, Christelle Rosnoblet rencontre le designer horloger Eric Giroud, qui redéfinit le visage de la collection Piccadilly. La petite seconde vient se placer à 1h30: un trait désormais identitaire pour la marque. La boîte s’affine encore et le logo vient se loger à 7h30, autre signe distinctif de la collection actuelle. Les couleurs font aussi leur apparition.

Modèle Openworked Sandblasted Red Gold
Modèle Openworked Sandblasted Red Gold

Speake Marin à l'heure de la maturité

Christelle Rosnoblet s’en souvient: «C’était vraiment un nouveau départ, tant esthétique que technique. Déplacer la petite seconde à 1h30 semblait impossible au début. Il a fallu entièrement repenser le mouvement. Cela a initié nos premiers vrais mouvements de manufacture. Et de ce travail est née la nouvelle identité de la marque. Puis les collections se sont succédées avec les montres Openworked et l’Academic. Avec notre présence pour la première fois au SIHH en 2017 (Watches and Wonders aujourd’hui, ndlr), la marque s’est réellement fait connaître et nous avons atteints les 300 montres à ce moment.»

Depuis lors, 12 calibres maison ont été produits, le dernier en date étant le squelette de la Ripples en 2024.

Speake Marin à l'heure de la maturité

La collection Ripples donne une nouvelle dimension

Lancée en 2022 à Watches and Wonders, la collection Ripples a connu un grand succès. Quel rôle a-t-elle joué dans le développement de Speake Marin? «Nous voulions faire se rencontrer le sport et l’ultra-chic. Pour cela, nous avons fait appel à un nouveau designer, Stéphane Lacroix. Il nous a fallu deux ans pour aboutir au design final, qui intègre l’ADN de Speake Marin tout en ouvrant une nouvelle voie. Le modèle de 40,3mm en gris anthracite, introduit à Watches and Wonders, a connu un fort succès sur tous nos marchés, Europe, Etats-Unis, Amérique latine, Moyen-Orient et Asie! Cela a contribué à renforcer nos liens avec nos partenaires existants tout en développant l’Europe du Nord et le Moyen-Orient.»

Modèle Ripples Skeleton
Modèle Ripples Skeleton

Speake Marin à l'heure de la maturité

La collection a aussi largement remanié la clientèle de la marque, comme le souligne Christelle Rosnoblet: «Au début, nos clients étaient 100% masculins et plutôt âgés. Au fil du temps, l’âge moyen a baissé, notamment avec la nouvelle Piccadilly. Puis le lancement de la Ripples nous a introduit auprès d’une clientèle plus jeune, âgée de 40, voire 30 ans, ainsi que de nombreuses femmes, qui représentent aujourd’hui 20% de nos clients. La collection a été un vrai tournant pour la marque en nous plaçant sur le radar des marques indépendantes reconnues pour leurs mouvements de manufacture.»

Aujourd’hui, la collection Ripples représente 50% des ventes de Speake Marin. Le reste se répartit sur les quatre autres collections: Openworked, Academic, Haute Horlogerie et Art Series.

Poursuite du développement

Le Cercle des Horlogers, bras manufacturier de la marque, a nommé en août 2024 un nouveau directeur de production, Laurent Pin, pour poursuivre le développement. Le but affiché est, comme le déclare la CEO de Speake Marin et actionnaire de l’entreprise, «de continuer à progresser en tant que bureau technique innovant pour devenir incontournable sur le développement des produits et des brevets. Speake Marin n’est qu’un des 22 clients du Cercle, mais le développement du Cercle est important car cela va permettre de concevoir des complications susceptibles de faire la renommée tant du Cercle que de Speake Marin. Pouvoir nous appuyer sur ce savoir-faire technique est primordial pour réussir à atteindre les 1’000 montres par an en ne faisant que du 100% Swiss made. Les coûts de production et les délais sont élevés, mais c’est le prix à payer pour du vrai Swiss made.».

Laurent Pin est le nouveau directeur du Cercle des Horlogers, bras manufacturier de Speake Marin dont la marque est actionnaire.
Laurent Pin est le nouveau directeur du Cercle des Horlogers, bras manufacturier de Speake Marin dont la marque est actionnaire.

Et de renchérir: «Notre volonté n’est pas de devenir une marque de volume, mais de travailler de plus en plus sur les finitions, comme le démontre notre dernière Ripples Squelette, lancée lors de l’édition 2024 des Geneva Watch Days, avec son calibre ultra-fin. Le savoir-faire horloger du Cercle est aussi notre marque de fabrique.»

Modèle Dual Time Terracotta
Modèle Dual Time Terracotta

Speake Marin à l'heure de la maturité

Avec une production 100% Swiss made, des mouvements propriétaires et un design distinctif, Speake Marin semble avoir les atouts pour perdurer. Elle n’échappe cependant pas aux tensions actuelles du marché: «Nous avons perçu les premiers signaux dès Watches and Wonders en avril dernier. C’était logique, après le rebond post-Covid. Ajoutez à cela les tensions géopolitiques, le ralentissement économique de nombreuses régions du globe et il est évident que cela a un impact sur Speake Marin. Nous n’avons pas de baisse de production au Cercle des horlogers, mais, en revanche, nous devons redoubler d’efforts pour la formation du personnel en boutique ainsi que dans notre communication.»

Surtout, celle qui préside au destin de Speake Marin s’estime «fière d’être toujours là et de ne pas avoir été juste une étoile filante dans le monde des indépendants».

«Je suis particulièrement enthousiaste du travail accompli pour la création de nos mouvements, le développement de la notoriété de la marque et du Cercle des Horlogers, ainsi que la croissance de nos équipes (8 personnes en interne et 60 personnes au Cercle, ndlr). En 2025, nous lancerons deux nouveaux modèles à Watches and Wonders dans les collections Ripples et Piccadilly. On dit qu’il faut 20 ans pour créer une vraie marque: nous y sommes arrivés!»

Speake Marin à l'heure de la maturité