e nouveau président de l’association Arc Horloger, Richard Vaucher, a le métier dans le sang: combien de lignées portant son patronyme ont contribué à ce qui est à la fois une industrie, un artisanat et un art! Diplômé de l’école d’horlogerie de Saint-Imier au début des années 1980, dans une phase particulièrement délétère pour l’emploi dans l’horlogerie suisse, il est pourtant engagé par le géant de la localité, Longines.
Traverser une «vraie crise» comme celle du quartz lui permet aujourd’hui, à l’âge de 62 ans, de relativiser les cycles que traverse l’horlogerie de manière coutumière. Il passera ensuite chez Heuer, puis dans les laboratoires horlogers du groupe Richemont, avant de créer avec son épouse l’entreprise d’équipements horlogers VOH, pour laquelle il est particulièrement connu aujourd’hui.
«Au départ, nous avions repris un petit comptoir à La Chaux-de-Fonds, que nous avons déménagé à Tramelan, dans une vieille ferme, relate-t-il. A l’origine nous faisions de la revente de potences à poser les aiguilles, mais ce marché est devenu trop compétitif avec l’abaissement des prix généré par la production en Chine. Nous avons donc décidé de mettre en marche le développement de nos propres outils, puis d’abandonner complètement la revente pour nous consacrer intégralement à notre propre production.»
Comptant aujourd’hui 35 employés, VOH est ainsi devenue une manufacture spécialisée dans l’équipement horloger. En 2023, les époux Vaucher, tout en restant propriétaires, remettent la direction opérationnelle de cette société qui leur a donné une vision transversale de l’industrie au vu de la palette de clients que celle-ci fournit. Un atout à l’heure d’aborder la présidence d’Arc Horloger.
Europa Star: Comment avez-vous été désigné à la présidence d’Arc Horloger?
Richard Vaucher: J’avais suivi la reconnaissance par l’UNESCO, mais c’est surtout par un contact commun, Jacques Jacot, que j’ai été tenu au courant des développements de ce projet. A ce moment-là, j’étais bien occupé avec la transmission de ma propre société. Mais une fois celle-ci menée, nous avons repris des discussions plus avancées. Je suis naturellement sensible aux thématiques défendues par Arc Horloger, étant descendant d’une famille de régleurs de précision et d’horlogers. Toute la famille est dans le métier!
Quels sont vos objectifs et vos priorités?
A titre personnel, c’est déjà de faire du rattrapage sur le projet, rencontrer les acteurs impliqués! Jusqu’à présent, une approche industrielle de l’horlogerie a dominé en Suisse: même si les métiers d’art se sont développés et que beaucoup s’en revendiquent, ils ne sont pas forcément dans le radar de tous. J’ai travaillé pour de grandes entreprises avec des approches industrielles et nous devons tous apprendre à mieux connaître et reconnaître le milieu de la mécanique d’art. La décoration, les finitions main sont devenues un enjeu essentiel.
Et au niveau de l’association?
La priorité est de mettre en place un observatoire des savoir-faire, car il n’existe pas d’annuaire exhaustif en la matière. Nous devons répertorier quels sont les plus menacés et les mesures pour les sauvegarder. Nous voulons relier tous ces savoirs qui existent de Cluses à Schaffhouse et de Besançon à Neuchâtel, car nous avons une culture commune du petit, du beau, du précis et du fait main. Nous ne nous positionnons pas en remplacement de quoi que ce soit, mais pour renforcer ce terrain déjà fertile, pour favoriser la prise de conscience sur ce qui doit être valorisé. Aujourd’hui, il est important d’incarner cette association, avec une grande tâche de coordination, de facilitation et de transmission, en tant que dénominateur commun entre des acteurs et des savoirs nombreux répartis sur l’ensemble du territoire.
Avez-vous des échéances à atteindre?
Notre Forum aura à nouveau lieu en fin d’année et à plus long terme la reconduction de la reconnaissance par l’UNESCO doit intervenir en 2027. Je suis particulièrement enthousiaste quant au fait que des personnalités qui viennent du métier, comme Denis Flageollet ou Jean-Paul Girardin, sont désormais actifs sur un projet qui, à l’origine, émane des autorités. Passer d’une structure étatique à une association n’est pas chose aisée, d’autant plus si l’on prend en compte la complexité supplémentaire que peut poser la nature franco-suisse de l’association.
Le budget annuel présenté par l’association est de l’ordre de 350’000 francs. Comment comptez-vous vous financer?
Clairement nous restons encore sous-dotés! Nous sommes en train de finaliser un système de cotisations pour des membres individuels et des sociétés et de lancer une campagne d’adhésion d’une part, et d’autre part nous allons mener des mandats de prestation pour des structures publiques ou parapubliques tant en Suisse qu’en France, sur des actions ciblées. Nous estimons en effet que ce n’est pas à l’économie seule de financer entièrement une association à but également culturel et pensons notamment à des partenariats public-privé. J’ai présidé pendant douze ans, jusqu’à récemment, la fondation Grand Chasseral, une structure de marketing territorial. Certainement, c’est cette expérience dans le milieu associatif qui m’a amené à cette position aujourd’hui!
Vous avez mentionné le caractère transfrontalier de l’association. Comment gérez-vous cet aspect dans vos opérations?
Nous cherchons toujours cet équilibre statutaire entre la Suisse et la France. Pour autant, nous ne souhaitons pas réunir des membres parce que des fonctions les obligent à être là, mais bien à associer les bonnes personnes, motivées par les perspectives de notre mission! Par exemple, Erich Fehr, ancien maire de Bienne et spécialiste du marketing territorial pour la région Jura Trois Lacs, vient de nous rejoindre et son expérience extraterritoriale sera bénéfique. Mais, même si le comité s’élargit, notre structure doit rester légère dans son fonctionnement. Ce sera mon rôle que de l’assurer.