aissons ici de côté la révolution annoncée de la montre connectée, qui est vue par certains comme la nouvelle grande révolution horlogère, quarante ans après celle du quartz, Non, parlons plutôt de la révolution de la montre mécanique elle-même. Loin de se figer dans ses derniers retranchements en cette année de difficultés économiques, elle mute elle aussi en profondeur. La Vieille Dame n’est de loin pas imperméable aux innovations.
Des révolutions qui sont parfaitement incarnées par deux montres de rupture lancées cet automne par le Swatch Group d’une part, par LVMH d’autre part: la Swissmatic de Tissot et la Defy Lab de Zenith. Très loin du feu sacré de la Silicon Valley, la désuète bourgade du Locle n’a pas à rougir, ses géants horlogers ne lésinent pas!
L’automatisation ou «intelligence industrielle», d’abord: alors que les fondamentaux marketing (et encore réels en partie, gardons nous de trop de cynisme!) de l’horlogerie reposent sur l’artisanat, verra-ton encore dans dix ou vingt ans des humains derrière la production des montres mécaniques de moins de 3’000 francs? La question, provocatrice, mérite d’être posée.
Le Swatch Group, aux racines industrielles
et démocratiques, pousse
l’automatisation toujours plus loin.
Cela concerne au premier chef ses
deux marques produisant les plus
forts volumes, Swatch et Tissot (environ
15 millions de montres par an
à elles deux, soit la moitié de toute
la production Swiss made)! Les innovations
de la Sistem51 de la première
ont été adaptées à la nouvelle
Swissmatic de la seconde, sur une
ligne de production entièrement
automatisée, que nous présentons
et décortiquons dans ce numéro
(voir: A L’INTÉRIEUR DE LA TISSOT SWISSMATIC).
Résultat: un prix très
attractif, une seule vis et un organe
réglant ajusté à coups de laser.
L’échappement, justement... L’autre
rupture high-tech nous vient de
LVMH, un groupe qui entend désormais
réconcilier horlogerie et science,
via son très ambitieux projet de pôle
R&D confié au talentueux Guy
Sémon, que nous avons rencontré.
(voir: L’HORLOGERIE MÉCANIQUE QUITTE HUYGENS)
Le cœur de la montre,
le «vieil échappement» de Huygens,
fonctionnant sur des bases reposant
plus largement sur... l’intuition que
la science, est entièrement revu à travers
la théorie des mécanismes. Nous
présentons dans les moindres détails
cet «oscillateur Sémon» formé d’une
seule pièce monolithique en silicium
monocristallin dans ce numéro, qui
équipe la Zenith Defy Lab. Celui-ci
devrait aussi permettre à terme au
pôle horloger de devenir plus autonome
vis-à-vis du Swatch Group et
des oscillateurs Nivarox.
Avec le laboratoire LVMH qui est en train d’être mis en place et qui regardera bien au-delà de l’horlogerie, on en revient à une forme d’humanisme mêlant différentes disciplines, mais avec une rigueur et une méthodologie scientifique au goût du jour. Esprit des Lumières, outils du nouveau millénaire, donc. Au 18ème siècle, le génie de l’automate Pierre Jaquet-Droz ne s’était-il déjà pas fortement intéressé aux... prothèses pour mutilés de guerre?
Fort de ces deux exemples, au-delà
du seul artisanat qui verra toujours
la main sublime d’imperfections
de l’homme à l’œuvre en horlogerie,
la montre mécanique du 21ème
siècle, «simplifiée dans sa complexité
comme dans son assemblage», sera
robotisée et high-tech... ou ne sera
pas!